Il y a une trentaine d’années, de très bons abyssins furent exposés par feu Mr. Heslop, de Darlington, Mrs Alice Pitkin montra également de beaux sujets, bien que nombre d’entre eux aient été trop foncés et typés « British Tick ».
Plus tard, Mrs. Clark de Bath eut beaucoup d’excellents abyssins.
J’en ai élevé un bon nombre a cette époque, le meilleur d’entre eux fut sûrement Chelsworth Peaty, qui retint grandement l’intérêt de la Reine Alexandra, alors Princesse de Galles, quand je la présentais tétant une furette, à l’occasion d’un Botanic Gardens Show.
Au début du siècle, j’en ai expédié beaucoup aux ménageries et amateurs du continent, cependant j’ai fini par cesser complètement l’élevage de chats et de chiens, et quitté Londres pour l’ouest afin de me consacrer pleinement à la chasse.
Sans la profonde implication que Mrs Carew-Cox nourrissait pour la race à cette période, je crains qu’elle ne serait éteinte aujourd’hui.
Négligée d’une manière inconcevable et dieu sait pourquoi, par l’ensemble du Fancy, cette race magnifique et passionnante ne doit en grande partie sa survie jusqu’à nos jours, qu’aux soins et l’attention dévoués, prodigués par Mrs. Carew-Cox, qui pendant un quart de siècle l’a soutenue malgré les déconvenues qui j’en suis persuadé seraient venues à bout de toute autre personne du Fancy.
Il ne furent pas pour elle, le marché juteux des saillies, les reproductrices à la queue leu leu, les trophées et les récompenses à foison, revenant le plus souvent aux éleveurs de poils longs, non, affronter les mauvais jugements, le manque de reconnaissance, les récompenses minables et les faibles débouchés, la désolante mortalité des chatons, cette courageuse grande dame l’a fait, portant triomphalement la bannière de l’abyssin.

Elle ne peut (ou modestement ne veut ?) me dire combien de champions elle fit naître depuis que trente drôles d’années auparavant, elle tomba folle amoureuse du premier sujet qu’elle croisa dans un hôtel de Winscombe dans le Somerset où on leur confia qu’il avait été laissé là par un voyageur de commerce, qui était dans la fourure.

A ce propos, je dois mentionner qu’il y a bien des années, Mrs. Carew-Cox publia quelques lettres d’un gentleman qui chassa en Abyssinie, et qui affirme qu’il a tiré là-bas une paire de chats sauvages, dont il ramena les peaux en Angleterre; d’après leur description, elles semblent en tout point identiques à celle des sujets de concours contemporains.

Pour conclure, je vais maintenant décrire les caractéristiques de cette adorable race.
L’aspect général de l’abyssin est celui d’un chat plutôt petit et d’apparence distinguée, avec des membres fins et gracieux, une tête élégante, des oreilles plutôt grandes et des yeux brillants. Ce qu’on taxe habituellement au Fancy de type « British » est ici complètement exclu, on ne recherche ni la tête courte et arrondie, ni les petites oreilles, ni le corps trapu ou les membres solides.

Bien entendu, toute personne qui ne conçoit la beauté d’un chat que lorsque celui-ci ressemble à un pékinois ne pourra être séduit par l’abyssin et j’ai lu des descriptifs rédigés par de tels individus et se référant à celui-ci comme un chat décharné à l’air à demi mort de faim.
A l’opposé, toute personne capable d’apprécier les lignes purement gracieuses et la forme svelte et élégante d’un félin, sera forcée d’admettre qu’en cela l’abyssin n’a qu’un rival, le siamois.
La robe la plus répandue chez l’abyssin ressemble de façon frappante à celle du lapin, et de fait, j’en ai croisé beaucoup dont on ne pouvait distinguer les différences une fois mises côte à côte, sans un examen minutieux montrant que la fourrure du lapin est grise à sa base (sous-poil) quand celle de l’abyssin devrait être rufus.

Le ticking est une caractéristique essentiel de l’abyssin, il est formé par l’extrémité brun foncé ou noirâtre du poil.
Sur certains – présentant le meilleur ticking – les trois quart de la longueur du poil est rufus puis viennent deux ou trois bandes brunes ou orange nuancées, la plus foncée terminant l’extrémité supérieure du poil.
D’autres montrent simplement la base rufus et l’extrémité foncée.
Le sous poil devrait toujours être aussi lumineux et clair que possible, surtout pas ce brun sinistre et éteint, si nuisible à la beauté de ce chat.

Il y a quelques années est apparu un certain nombre d’individus qu’on a présentés comme des « abyssins silver ».
Je considère la couleur silver comme totalement étrangère à l’abyssin et quand bien même, cela n’aurait pas été un problème si ces silvers avait été gardés entre eux, mais je ne peux m’empêcher de penser au préjudice immense qu’ils firent à la race, par l’introduction d’une touche grisâtre dans la robe, avec pour conséquence ce qui semble être la disparition de la magnifique teinte rouge qui existait chez les anciennes lignées.
Quelle fut leur origine, ou de quel croisement ils naquirent, je l’ignore.
Je ne saurai dire s’il existe encore des silvers aujourd’hui, personnellement je souhaite que non, même si je sais que d’autres ne partagent pas mon avis sur la question.
La couleur brun chaud est évidemment reconnue par les auteurs anciens comme étant la vraie couleur de l’abyssin et je pense que Harrison Weir, dans un écrit de 1882, est le premier à faire mention de silvers, dans une sorte de note rajoutée, s’y référant comme à une nouvelle variété. Pendant une période, les juges furent fous d’eux.

Certains abyssins sont plutôt grisâtres, quand d’autres montrent une dominante rufus. On retrouve ces mêmes différences chez le lapin sauvage, dont la robe est si semblable à celles de ces chats.
Certains chats grisâtres ont cependant un très joli sous poil rouge.
Mais pour donner un avis général sur la couleur que nous devrions rechercher chez ces chats – et bien qu’elle semble avoir disparue aujourd’hui – il paraît difficile de faire mieux que ce que les auteurs anciens comparaient au lièvre ou même au Lièvre Belge

L’absence de marques i.e. rayures sur la tête, la queue la face et la poitrine, est essentiel chez cette race. Pour ces emplacements, justement où chez tout autre chat ou félin il y aurait des rayures, l’abyssin conservera l’avantage jusqu’au bout. Moins il y a de marques, mieux c’est, en même temps, il ne faut pas non plus que le juge se focalise sur cette particularité au point de négliger les autres.
Par exemple, il ne serait pas logique qu’un chat absolument sans marques mais lourdement bâti, manquant de ticking et de couleur, soit jugé meilleur, par cette absence de marques, qu’un chat élancé, bien tiqueté et d’une jolie couleur, mais qui présenterait quelques barres sur les pattes et la queue.
Le ventre ne montre pas le ticking présent sur le reste du corps, et devrait être uniforme, sans tache ni rayure, d’une couleur brun claire, s’accordant avec l’ensemble.

Bien des choses ont été dites pour ou contre la ligne dorsale – cette bande sombre qui chez certain sujet court le long du dos. Personnellement je n’ai pas d’opinion tranchée mais si on l’autorise, il ne faudrait certainement pas la considérer comme significative de la race (pour la simple raison que toutes les variétés on tendance à montrer cette ligne dorsale plus sombre, même s’il s’agit d’un terrible défaut pour certaines races, ce n’est pas le cas chez l’abyssin et c’est même parfois recherché).

Un petit bout de queue noir me semble apporter une jolie touche finale, les semelles sont également noires. Les oreilles sont grandes et évasées, la présence d’un plumet noir ou marron foncé étant souhaitable.
La tête est allongée et pointue, mais pas à la façon triangulaire ou « tête de fouine » recherchée chez le siamois.
La tête des mâles âgés est forcément plus ronde et plus massive mais ceci ne devrait pas être le cas chez les femelles et les jeunes mâles.
Les yeux : ils doivent être grands et brillants, montrant une douce expression, moins ronds que ceux du British.
Pour la couleur, ma préférence personnelle va au vert lumineux, mais un bel ambre est préférable à un regard jaune verdâtre délavé.

Toute tache blanche, où qu’elle se trouve, poitrail, gorge ou doigts est inimaginable chez un sujet de concours. Les coussinets sont d’un délicat ocre brun, en harmonie avec la teinte générale.
Le caractère de l’abyssin est normalement très doux, plutôt timide, il n’accroche pas immédiatement avec les étrangers, mais il est profondément affectueux.

En résumé, il s’agit d’une de nos races les plus jolies et passionnantes et il a été maintes et maintes fois prouvé qu’on peut faire confiance à un très bon abyssin pour faire la différence quand arrive le moment des best in show lors d’une exposition.

Taunton, avril 1929