Voici la traduction d’un livret ancien sur l’abyssin. Il a été rédigé par H.C. Brooke en 1929. La présence naturelle et en grand nombre de chats tiquetés (et très peu tigrés), en Angleterre au début du siècle, me semble de loin l’information la plus intéressante, nous laissant entrevoir l’origine du chat abyssin; c’est certes beaucoup moins romantique que l’habituelle légende égyptienne, mais tellement plus plausible…

Le chat abyssin 1ère partie

Spécialement écrit pour The Abyssinian Cat Club par H.C. BROOKE (Vice-Pres. A.C.C.)
(Traduction Marion Fouéré, voir le texte original)

C’est avec un authentique regret que je dois admettre qu’il me fut impossible et ce malgré ma demande d’assistance datant déjà de plusieurs années auprès des membres les plus anciens du Fancy, de découvrir aucun fait satisfaisant concernant l’origine de cette race magnifique et passionnante, dans ce pays.
C’est un constat déplorable mais je ne peux m’empêcher de le considérer comme typique du Cat Fancy, faute d’intérêt profond pour le sujet, sorti des préoccupations triviales telles que reproduction et exposition. Je pourrai illustrer ce propos de bien d’autres manières, mais ce débat n’a pas sa place ici.

A mon avis, et celui-ci est partagé par quelques éminents zoologistes du vieux continent, on peut considérer que le chat abyssin est aujourd’hui ce qui se rapproche le plus du chat sacré de l’Egypte Ancienne (il est malheureux de constater que nul n’est prophète en son pays ! – A ma connaissance, pas un naturaliste anglais qui se soit jamais penché sur l’origine de cette race éminemment intéressante) .
Sur les différentes fresques et autres peintures parvenues jusqu’à nous depuis l’époque des Pharaons, on peut voir qu’il y a plus de 3000 ans, la coloration typique du chat domestique en Egypte se rapproche de celle de notre actuel Chat Sauvage d’Afrique, donc plutôt légèrement rayé, à la façon d’un tigre, sans les larges marques longitudinales que nous avons l’habitude de désigner par « tabby ». Quand, où et comment le vrai tabby trouve son origine, je ne puis le dire et doute que quelqu’un le sache.

Un éminent scientifique étranger a écrit il y a quelques années, qu’il considérait le motif tabby (il voulait probablement dire tigré, que ce soit verticalement ou horizontalement) comme latent chez l’ensemble des races domestiques sauf chez le siamois, et je souscris volontiers à cet avis même si je suis certain que non seulement les éleveurs d’abyssins mais également de Shorthair bleus, seraient très heureux si cela n’était pas le cas.

J’ai examiné plusieurs douzaines de peaux de Chat Sauvage d’Afrique, qui a reçu bien des noms dans bien des langues (fettered, Egyptien et Caffre en anglais, les synonymes sont encore plus nombreux en latin) et bien qu’une large majorité soit conforme au modèle gris légèrement tigré, d’autres mènent graduellement à l’abyssin tel que nous le connaissons.

Autant que j’ai pu le déterminer, le premier spécimen de Chat d’Egypte ou Chat d’Afrique ayant été décrit est une femelle, mentionnée par Rueppel sous l’appellation de « Smallfooted Cat » (F. maniculata) dans son Atlas zu der Reise in Noerdlichen Afrika.

On y trouve certaines des caractéristiques attendues chez l’abyssin : faible corpulence « sa taille est comparable à celle d’un chat domestique de taille moyenne, et plus petite d’un tiers comparée à celle du Chat Sauvage d’Europe : tous ses membres sont proportionnellement plus petits »; couleur : « ocre, plus sombre sur le dos » (c.f. ligne dorsale)
L’illustration montre un chat de couleur ocre, avec de légères marques sur la queue, les membres et la face – tout comme on en trouve chez les abyssins de qualité médiocre. Ce chat provient de Nubie.

De nos jours on peut voir au Museum Nationale d’Histoire Naturelle un petit Chat Sauvage Soudanais (F. ocreata), de couleur rouille-rouge, à la structure fine, aux membres élancés, et présentant de légères marques sur la queue et les pattes.
Il évoque complètement cet abyssin Champion, dont la couleur est admirable mais qui manque de ticking.
Sur les individus que j’ai eu l’occasion d’étudier, j’ai pu constater comme les rayures chez certains spécimens dégénèrent en taches diffuses, qui évoluent chez d’autres chats encore, en marbrures – tout comme chez certains abyssins de piètre qualité – pour aboutir finalement aux spécimens totalement unis, plus ou moins tiquetés.

Je n’ai pas trouvé de peau correctement tiquetée au British Museum, en revanche, à l’occasion de la Grande Foire de Wembley, j’ai pu observer, exposées par un fourreur, plusieurs peaux de Chat Sauvage d’Afrique quasiment identiques à celles de nos abyssins.
Le type Foreign que l’on privilégie chez cette race, est susceptible de s’exprimer et d’être plus ou moins fixé chez n’importe quelle autre variété dont on ne sélectionnerait pour la reproduction que des sujets petits, fins et élégants plutôt que d’autres plus carrés ou massifs.
Dans les illustrations accompagnant ce texte, je montre les variantes existant chez le Chat Sauvage d’Afrique contemporain, de la forme légèrement tachetée, à celle légèrement marbrée, un abyssin moderne présentant un bon ticking et un chat égyptien antique, peint sur un papyrus datant de 2000 ans où l’on retrouve le corps fauve, les barres aux pattes et à la queue, communes aux abyssins mal typés d’aujourd’hui, le ventre étant ocre jaune, comme on souhaite l’obtenir sur un abyssin lièvre.

Comme je le mentionne plus haut, il fût impossible d’obtenir des détails sur l’émergence de cette race sur notre sol, même s’il a été possible d’établir la date à laquelle la race a été reconnue officiellement, quand elle a été exposée pour la première fois, qui furent les premiers exposants, et ainsi de suite.
Des détails sur les premières expositions auraient également été d’un grand intérêt. La référence la plus ancienne que j’ai trouvée est celle de feu Dr. Gordon Stables dans l’un de ces livres Cats, their points, etc (1882).
Le chat qui y est représenté est décrit comme appartenant à Mrs. Barett Lennard, provenant d’Abyssinie d’où il aurait été ramené à la fin de la guerre.
Cependant, son portrait ne nous apprend rien, car il ne ressemble à aucun des chats abyssins qu’il m’ait été donné de voir, mais j’estime que cela est imputable à la mauvaise qualité de l’impression.
Dans le pittoresque Book of Cats (C.H. Ross, 1867), on ne trouve pas de description mais cette affirmation : « En Abyssinie, les chats sont si précieux que la jeune femme à marier qui recevra un chat sera considérée comme l’héritière d’une fortune »

Alors que The Cat Club s’ingéniait du mieux possible à détruire The National Cat Club, il abandonna il y a près de trente ans, le qualificatif d’Abyssin pour son registre, au profit de « Tiqueté ».

A cette époque, ce qu’on appelait le « British Tick » également surnommé « Bunny Cat », était de loin beaucoup plus commun à travers tout le pays, qu’il ne l’est aujourd’hui ; ces chats étaient souvent aussi bien tiquetés que n’importe quel abyssin, bien que certains soient également marbrés.

Mr. Louis Wain qui les adorait, m’obtint deux ou trois jolis sujets, issus de différentes régions.
Le fond de robe est habituellement gris foncé ou noirâtre, la tête d’un type British prononcé et les pattes et la queue largement barrées.
A cette époque, l’Abyssin semblait en passe de s’éteindre, sur les quelques sujets existants, beaucoup étant de piètres reproducteurs.
Les chatons étaient difficiles à élever, et le British Tick fut bien utile pour l’apport de sang neuf.
Il est admirable de voir comme de tels individus émergent de temps à autre, en des lieux différents, issus des amours de vulgaires chats de gouttière ; ceci est à mon sens et sans aucun doute possible une résurgence du type primitif.

Il y a de cela cinq ans, j’ai croisé un très beau mâle appartenant au concierge d’un pub du Nord de Londres, et je connais une charmante petite femelle qui vit dans un cottage pas très éloigné d’ici, elle est issue d’une portée de chatons croisés tout ce qu’il y a de plus ordinaire, née chez un drapier de Taunton.

Il y a quelques années une extraordinaire et superbe variante a fait son apparition parmi les chats de Sir William Cooke.
Le fond de la robe en était blanc crème, bien que les oreilles et la ligne dorsale montrent le motif poil de lapin si caractéristique de la race. Malheureusement, on a laissé cette très jolie souche disparaître et aujourd’hui il n’en existe plus qu’un spécimen vivant, à ma connaissance.
Les yeux de ces chats étaient bleus. Il m’est pénible de penser que par inertie nous avons perdu quelques bien jolies variétés chez le chat, et quand on constate qu’à la première mutation survenant chez le lapin, la souris ou le rat, qu’elle soit jolie ou présente un quelconque intérêt, celle-ci est activement cultivée, je me dis que le Cat Fancy n’a pas de quoi être fier.
Le fait que cet albinisme ait surgit progressivement, montre bien qu’il ne s’agissait pas, comme cela fut suggéré, du résultat d’un croisement hasardeux avec du siamois.

Les meilleurs abyssins qu’on n’ait jamais vus dans ce pays furent probablement Sedgemere Bottle et Sedgemere Peaty, propriétés de M. Sam Woodiwiss.
Ils n’avaient aucun lien de parenté à ma connaissance, et si cela était le cas, il aurait été remarquable de comprendre comment de tels sujets furent obtenus. Ils avaient réellement la couleur du lièvre.
Peaty a fini ses jours chez moi et j’ai toujours regretté de ne pas avoir conservé sa peau, pour témoigner au moins de sa splendide couleur, même si sa silhouette superbe et longiligne ainsi que la délicatesse de ses extrémités, restent difficilement imaginables pour qui ne l’a pas connue.